DRSD : Le renseignement accélère sur le cyber

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Sécurité : La Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense a amorcé une transition et accéléré son recrutement de personnels formés en cybersécurité. Mais le service se heurte aux défis qui affectent tout le secteur : attirer des profils expérimentés et faire face à la concurrence du privé.

La DRSD recrute, et c’est probablement pour cette raison que ce service de renseignement militaire a accepté de nous accorder une série d’interviews sur le sujet. Ce service de renseignement militaire spécialisé dans le contre-espionnage a amorcé depuis 2015 une transition pour faire face aux nouvelles menaces qui visent le secteur de la défense, en accompagnant les entreprises en contrat avec le ministère des Armées et les forces en opération. Si auparavant, on s’inquiétait plutôt des stagiaires et des délégations venues de l’étranger, les cyberattaques sont aujourd’hui une menace grandissante pour le secteur de la défense et la DRSD se remodèle en conséquence.

Trouver les bons profils

« Nous avons toujours recruté des gens sur le cyber, mais c’est un sujet sur lequel on met l’accent ces dernières années », explique Camille (les noms ont été changés), chargée de ressources humaines au sein du service. La DRSD espère recruter 10 personnes spécialisées sur ces sujets cette année, et 40 personnes avant 2025. Les profils recherchés sont divers : audit en sécurité des systèmes d’information, investigation numérique, mais aussi des développeurs et des administrateurs réseau.

Des profils que tout le monde s’arrache, la pénurie de compétences en matière de cybersécurité est une situation bien connue. « Notre principale difficulté, c’est de trouver le bon profil, qui va coller aux demandes des employeurs de nos services. Et c’est d’autant plus difficile quand nous devons faire face à la concurrence du privé, qui vient faire obstacle, surtout sur les profils les plus expérimentés », explique Camille. La responsable des RH assure néanmoins que le service parvient dans certains cas à s’aligner sur les salaires proposés par le monde du privé, « voire à proposer mieux », selon les profils.

Pour les candidats, il faudra passer par plusieurs étapes avant de décrocher le poste : un premier entretien avec les RH, puis un entretien avec l’employeur direct au sein de la DRSD, et enfin un entretien psychologique et une enquête de sécurité. La DRSD est en effet le service spécialisé dans les enquêtes d’habilitation, qui sont inévitables pour les gens qui souhaitent accéder à des documents et informations classés secret-défense. Les candidats doivent donc s’attendre à ce que le service s’intéresse de près à leur passé. Faut-il donc forcément faire une croix sur sa candidature en cas de casier judiciaire chargé ou d’erreurs de jeunesse ? « Ca dépend de ce que vous avez à vous reprocher. Le but de l’enquête, c’est de déterminer si vous avez une vulnérabilité et si cela peut affecter le service. C’est de toute façon quelque chose qui se décide au cas par cas », explique Camille. Dans tous les cas, le service valorise « la curiosité » chez ses nouvelles recrues, et est prêt à comprendre que la curiosité peut amener à faire des erreurs.

Pas un jour comme les autres

« Nous cherchons des profils différents en fonction des postes, selon nos besoins : sur certains postes, on va demander plusieurs années d’expérience, et une expérience dans le privé peut être un plus. Dans d’autres cas, on va chercher des gens qui sortent d’écoles d’ingénieur par exemple », explique Camille. Ces profils sont ceux de deux agents de la DRSD qui ont accepté de nous parler de leur expérience. Arnaud, spécialisé dans les investigations numériques, a été recruté en sortie d’école, après un stage et un master en alternance avec la DRSD. Didier, chargé de la coordination d’un groupe d’analystes, a à son actif une longue carrière dans le secteur privé, avec 20 ans passés chez Microsoft, puis un passage à l’Anssi avant de rejoindre les rangs de la DRSD.

Deux profils différents, mais ils assurent avoir trouvé leur place sans trop de peine au sein du service. « A l’origine, j’ai toujours voulu être militaire et donner du sens à mon métier, le monde de l’entreprise qui nous pousse à faire du chiffre ne m’intéressait pas vraiment », explique Arnaud. « La DRSD est un service relativement petit comparé aux autres, ce qui fait que tout le monde se connaît et qu’on peut suivre les projets de A à Z, contrairement à d’autres services ou les missions sont plus cloisonnées. Et chaque jour est différent : un jour, je peux me retrouver sur des tâches très techniques, et le lendemain faire de l’accompagnement pour le commandement. On travaille aussi sur des technologies très variées. Parfois, il s’agit de travailler sur des puces ou des clés USB, d’autre fois sur de la récupération et de l’analyse de données sur un drone crashé. »

« Au moins dans le renseignement, on sait à quoi s’en tenir »

Autre attrait fréquemment cité : « on voit là-bas des choses que l’on ne voit pas ailleurs ». C’est un argument que l’on entend souvent de la part des recruteurs de l’Anssi et des services de renseignement, mais ce ne sont pas des paroles en l’air, comme l’explique Didier. « Je peux vous le confirmer, on voit passer des choses que l’on ne croise pas dans le monde du privé, et on dispose aussi de moyens et de missions qui ne sont pas à la disposition des acteurs privés. Maintenant, chaque agence a sa spécificité : à l’Anssi par exemple, le facteur important c’est la sécurité des OIV, la continuité du service et sa disponibilité. A la DRSD, l’accent est mis plus largement sur la confidentialité. Chaque service a une raison d’être », précise-t-il. A chaque service ses « clients », et les agents doivent s’adapter aux spécificités de leurs missions. Des groupes de travail communs aux différentes agences existent, et les collaborations sont fréquentes, mais les perspectives ne sont pas les mêmes.

Mais rentrer au service du renseignement, c’est aussi choisir de rester dans l’ombre, discrétion oblige. Le service forme à l’arrivée ses nouvelles recrues, afin de leur expliquer à la fois le contexte dans lequel ils évoluent et les sensibiliser à la discrétion nécessaire sur leurs activités. « C’est vrai qu’on évite de raconter autour de nous qu’on travaille à la DRSD, pour éviter l’espionnage », raconte Arnaud. « Ca n’empêche pas de parler de sujets liés à notre travail, sur les technologies utilisées par exemple, mais on reste discret sur les finalités. » Didier approuve, mais tient à relativiser les choses : « honnêtement, les questions de confidentialité étaient pires chez Microsoft, où les accords de non-divulgation sont légion ! Quand je travaillais sur de la gestion de crise, mes managers n’étaient pas toujours au courant de ce que je faisais, et ils devaient pourtant nous évaluer. Au moins dans le monde du renseignement, on sait à quoi s’en tenir ».